Entretien avec Milo Poaniewa, secrétaire général de l’Usoenc

Entretien avec Milo Poaniewa, secrétaire général de l’Usoenc

Entretien avec Milo Poaniewa, secrétaire général de l’Usoenc

« La Cafat a besoin de l’État pour assurer le chômage partiel »
Propos recueillis par Philippe Frédière LNC.NC

Le gouvernement planche sur la sauvegarde de l’économie et sur la réforme du chômage partiel. Les syndicats suivent le sujet avec une extrême attention car la situation devient critique.

Les Nouvelles calédoniennes :
Plusieurs syndicats ont été reçus lundi avec l’interpatronale par le gouvernement pour évoquer des mesures de sauvegarde économique. La question est aussi au menu de la séance hebdomadaire de l’exécutif qui doit avoir lieu ce mercredi matin. Comment percevez-vous les choses ?

Nous attendons d’avoir du concret et ça n’a rien de simple. Nous espérons 56 milliards de francs d’aides de l’Etat pour les entreprises et pour financer un chômage partiel qui serait porté au niveau de ce qui se fait en Métropole, c’est-à-dire 84 % du salaire net, avec un plafond de 4,5 fois le SMG, alors que notre système actuel prévoit une indemnité de 66 % du SMG, quel que soit le salaire réel. La différence est énorme et le régime chômage de la Cafat est évidemment incapable de l’assumer. Reste à savoir quand les sommes annoncées par l’Etat vont arriver ? Nous savons aussi que pour mettre en place un système de chômage partiel équivalent à celui de la Métropole, il faut d’abord modifier le code du travail calédonien. Ce qui suppose une décision du gouvernement, puis un vote du Congrès. Va-t-il falloir réunir le Congrès en séance extraordinaire, ce qui pose d’évidents problèmes de disponibilité et de regroupement des 54 élus ? Va-t-on se contenter de réunir la commission permanente ? Il faut voir tout ça aussi avec la Direction du travail, les juristes du gouvernement et du Congrès.

Ce qui veut dire que le chômage partiel amélioré n’interviendra sans doute pas pour les salaires de mars ?
Indépendamment des textes à adopter, il faut d’abord que les entreprises concernées fassent des demandes de chômage partiel. Dans le système actuel, ce sont les entreprises qui font la demande, puis l’avance, et c’est ensuite la Cafat qui les rembourse.

Mais si une telle procédure est conservée dans le prochain système qui pourrait aller jusqu’à 4,5 fois le SMG, certaines entreprises seront dans l’impossibilité financière de faire de telles avances.
C’est pour cela que le monde économique demande que l’État se porte garant auprès des banques, sans quoi elles ne pourront que très difficilement consentir des avances de trésorerie. Le confinement date de moins de deux semaines. S’il doit durer longtemps au mois d’avril, c’est là que les plus grosses difficultés vont arriver.
D’autant que, pour le moment, certaines entreprises n’ont pas choisi la voie du chômage partiel, mais celle des congés payés décalés.

Un employeur a le droit de mettre d’office un salarié en congés payés annuel ?
Un employeur a le droit d’imposer le déplacement des dates d’un congé déjà posé au préalable par le salarié. Si aucun congé n’a été posé, il ne le peut pas. Même chose vis-à-vis de quelqu’un qui aurait épuisé son quota de congés annuels. Mais en pratique, si l’on veut que ça fonctionne entre les uns et les autres, il faut privilégier la discussion.

Vous dites que vous avez prévu un point de situation tous les deux jours avec le gouvernement ?
Oui, ça peut paraître une fréquence importante, mais la situation est très évolutive. Il importe donc que chaque syndicat et chaque organisation patronale puissent faire remonter très vite les difficultés nouvelles et les situations imprévues.

Précisément, commencez-vous à voir poindre des cas de vraie détresse ?
Nous faisons le même constat avec les confrères des autres organisations. Il y a chez beaucoup de gens une incompréhension totale entre, d’un côté, l’obligation de confinement, et de l’autre l’exigence de maintenir le plus possible l’activité économique, donc la nécessité d’aller travailler, notamment dans des secteurs qui ne sont pas indispensables. Dans certains commerces il n’y a plus personne. Sur les sites miniers et dans le BTP aussi on s’inquiète, on demande des mesures barrières plus fortes. Des masques, des gants, de la désinfection plus poussée.